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LUC

respectueux de la vertu la plus magnanime, celle qui, rigide à soi-même, se fait compatissante pour autrui.

Tous ceux qui avaient été les hôtes de sa maison, de son salon, se souvenaient du charme de la jeune femme ; elle avait su réunir autour d’elle une cour aimable où s’épanouissait un don inné de causer, une grâce inimitable relevée d’un je ne sais quoi d’excentrique et d’indépendant qui captivait. D’ailleurs la haute situation de son père, le Président Hérard de Villonest, et celle de son mari, l’avocat Jean Marcelot, l’élève préféré du vieux magistrat, avaient rendu nécessaire cette cour dont le nombre des assidus ne faisait qu’un impersonnel hommage à sa beauté. Pas un des hommes jaloux de l’honneur d’y trouver une place ne se fût autorisé à prendre pour soi seul aucune des attentions que la jeune femme prodiguait à tous. Jean Marcelot s’était plu dans ce cénacle tout bourdonnant d’un esprit qui le servait en colportant par la ville la renommée de son jeune talent.

De ce salon, soudainement fermé par la mort de son mari après avoir été continuellement ouvert à tout ce que comptait d’intéressant et d’esprits supérieurs le monde artistique, le barreau, la magistrature, Mme Marcelot avait conservé un esprit large, apte aux plus prosaïques occupations comme aux spéculations les plus élevées et les plus abstraites. Lettrée sans pédantisme, elle s’appliquait avec autant de goût à la tenue parfaite de sa maison qu’elle s’attachait à suivre l’évolution des idées, accessible à toutes les hardiesses, trouvant dans la pureté de sa vie une indulgence acquise aux faiblesses dont la rumeur, méchante ou menteuse, apportait le récit jusqu’à elle.