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LUC

femme de charge, sa garçonnière qu’embellissent des meubles jolis, des bibelots, des tapis, des livres, des bronzes d’un goût affiné, le goût que lui a donné Julien !… Mais au milieu de ces délicatesses en si parfait accord avec ses besoins innés de bien-être, Luc ne se console pas. Il a tout perdu en trop peu de temps : Julien, Jeannine, Mme  Marcelot facilement circonvenue par ses enfants sous un motif quelconque, sa maison, sa mère, ses petites habitudes et ses illusions d’enfant affectueux et gâté…

Quand il rentre, la nuit, tard, à peine a-t-il la force de se déshabiller ; il se jette sur un canapé ou sur son lit, découragé et las. Souvent, après les succès que lui valent son élégance et son talent, il mesure la détresse de sa vie privée des seuls êtres qu’il aime de toutes ses forces… et ses yeux, dans son doux et fin visage, s’emplissent de grosses larmes…

Oh ! si Julien, si Nine surtout savaient quelle affection demeure en lui pour eux !… Si Julien savait quelles souffrances il endure seulement pour un regard qui le fuit dans une rencontre imprévue, pour un salut évité, correctement toujours et sans que Luc Aubry s’en puisse blesser, mais !… Si Julien savait ! comme il reviendrait à ce grand gosse jadis chéri quand, Daphnis, il s’amusaità draper son corps aux contours exquis en des soieries, en des mousselines diaphanes et précieuses, et cerclait ses beaux bras pâles de bracelets, d’anneaux et de spirales d’or… Si Julien savait !… Mais Luc est trop fier, Luc ne veut pas que Julien sache, et il le hait presque de posséder celle dont le désir éveilla en son corps d’enfant l’amour qui sommeillait… Non, il ne le hait pas, il les aime tous deux…