Page:Achille Essebac - Luc.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LUC

Lucet put se tranquilliser. On l’aimait toujours !… Mais comme il quittait Jeannine il perçut dans les yeux graves de la jeune femme la fièvre ardente des regards ; et tandis qu’il prenait la main pâle qu’elle lui donnait pour l’élever jusqu’à ses lèvres, il vit des larmes trembler soudain au bord des cils et mouiller ses regards désolés… Nine souffrait donc ?… et de quelle souffrance, puisqu’elle la lui taisait et qu’il l’aurait ignorée si le silence navré de ses yeux n’avait trahi sa douleur ?… Nine avait ouvert la bouche pour dire des mots que son mari interrompit d’un ton sec dont la raideur surprit Luc… Et puis Julien le reconduisit seulement jusqu’au seuil du salon où ils avaient tant bavardé autrefois, sans l’engager à rester dîner comme de coutume, sans même lui faire promettre de revenir les voir… Et l’étreinte de Julien fut glaciale au moment de se quitter…


Cette froideur expliqua tout de suite le ralentissement des courriers presque journaliers au début de leur voyage, puis espacés des jours aux semaines ; se muant, les lettres de huit pages bonnes et affectueuses, en cartes postales brèves, puis en autres cartes dont l’illustration mangeait toute la place aux pensées amicales ; puis la correspondance intermittente tout à fait suspendue ; les déplacements ignorés, et la nécessité de venir jusqu’à l’avenue épier la rentrée pour laquelle Lucet ne voulait pas même interroger les domestiques…


Et Julien, son Julien, venait de le laisser partir sans même l’accompagner jusqu’au vestibule, jusqu’au