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LUC

qu’en tout ceci Luc restait excusable : Nine était venue s’offrir !…


Mais quels efforts Lucet dut faire sur lui-même pour surmonter la défaillance de son être tout acquis à Nine et Julien ! Que de fois, au plein milieu de ses amusements, la misère de ses joies lui fut déchirante jusqu’aux larmes ! Que d’angoisses il eut a réprimer pendant l’absence des chers aimés ! Et quel sera le retour ? Pourvu que n’aille pas se faire irréparable la blessure déjà si lointaine de la séparation !… Non, Julien est très bon et son affection certaine. C’est lui qui s’est entremis pour que Déah Swindor obtienne un congé en faveur de Luc et l’emmène avec sa troupe passer deux mois en Égypte, précisément à l’époque de ce mariage dont Julien voulait éviter la douleur possible à l’enfant qui aima sa Jeannine… Julien est très bon, et l’absolution de la faute tient encore au front de Lucet dans la douceur apaisante d’un baiser…

Et puis, bien que le petit comédien s’en voulût défendre, la pensée de revoir Nine lui donnait la force de vivre… Pourquoi songeait-il toujours à la vierge de Moult Plaisant ? Pourquoi l’attendait-il encore, celle de qui les yeux d’amour, pour lui, étaient la fête dernière comme furent, les siens, d’éphèbe doux et pervers, pour Nine, la tentation suprême ?… Et ce nom charmant : Nine, à ses oreilles menues, sonnait comme un glas obsédant, comme les heures sombres du clocher de Normandie qui marqua, sur son cadran vétuste, des minutes d’ineffable bonheur et de transes si cruelles…