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LUC

avec le remords, l’autre avec l’épouvante… Il les aimait !

Le baiser qu’une amitié violemment et douloureusement transformée arrachait à son front splendide d’éphèbe, révélait à Lucet l’emprise irrésistible de sa jeune grâce. Son amour-propre rayonnait dans la lumière de l’aveu qu’il sentait depuis longtemps venir, dont se doublait son affection pour Julien. Sa fierté avait tressailli sous l’hommage du jeune homme presque autant que sa chair sous les caresses de la jeune fille ; et, libéré de ces angoisses et de ces émotions, à ce moment il lui parut que la part retrouvée égalait celle perdue.

Les sanglots de Julien avaient fait son amour pour lui sacré, comme les gémissements de Nine avaient divinisé l’accomplissement d’un acte désormais impossible. Il gardait à la tendre miséricorde de l’un la même gratitude infinie qu’à l’offrande voluptueuse de la seconde.

L’accord de ces sentiments en apparence voués aux heurts les plus féroces répandait en l’adolescent l’orgueilleuse joie de l’impossible atteint. Il aimait le drame pour l’idylle inattendue qui dénouait ses voiles sombres… et ne voyait pas en cette nuit d’amour un prologue à d’autres douleurs…