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LUC

sonne et repousse en vain l’image obsédante de Chérubin. Et puis l’inutilité grossière de ses soupçons, parce qu’il a cru voir un geste, un regard, un rien !… L’inutilité mauvaise de ses soupçons augmente leur malignité de tout le paisible silence et de l’ineffable torpeur des choses.

Les deux enfants sommeillent ; et lui rêve à des amours indignes, honteux que l’énergie de sa pensée se ploie à de tels errements ; honteux que les transes de sa chair s’alimentent de si misérables craintes et polluent les corps adorés de Jeannine et de Luc.

Ce lui serait une horrible douleur que ces gamins s’arrachassent à son amour à lui, à cet amour par lequel il les unit l’un et l’autre pour trouver en eux seuls, en eux deux, frêles et jolies créatures de printemps, les joies berceuses et infinies dont l’échange, hors de lui, le rejetterait comme une épave inutile et désolée dans un monde où ne seraient plus Nine et Lucet.

Plus de Nine, plus de Luc !…

Et, de ses yeux aimants, saigne la limpidité de larmes apaisantes, puisque cela n’est pas, ne peut pas être, ne sera pas, et qu’un maléfice est tombé sur lui ce soir, dont il va dissiper les influences insensées…

Des feuilles tombent… Les yeux de Lucet, quand il dort, doivent être très beaux… La nuit ast sereine… Les ombres épaisses des taillis sont bleues dans l’air frais à peine…

Est-ce que Julien attendait que Luc allât vers Nine, ou cette chose amusante d’énormité : que Nine allât vers Lucet ?… Non, vraiment !…

Julien se maudit pour imaginer de telles aventu-