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LUC

peine d’un léger peignoir, elle va dans le parc, sous l’épaisse allée de marronniers jusqu’au petit temple minuscule surnommé, en souvenir de Rome, le tempietto, et qui contient une salle à manger d’été et un boudoir joli comme il est petit. Les dispositions sont prises pour loger là un des invités des fêtes d’octobre, en cas d’affluence. Luc Aubry doit y trouver sa chambre durant son séjour à Moult Plaisant. Et Nine, avec un cynisme dont se révolte sa jeune âme droite, et franche, et saine en apprend le chemin… Et sa compréhension de l’amour sans entraves absout le doux crime que perpètre sa volonté complice de sa chair exaltée.

Oh ! tout cela ne va pas sans souffrances !… Il faut la cervelle étroite d’un cagot sournois ou l’imbécillité et l’hypocrisie large d’un puritain pour ne comprendre pas sans bégueuleries, sans ricanements obscènes et sans anathèmes, le droit imprescriptible à l’amour dont est la chair dévorée et l’âme inquiète ; pour ne comprendre pas que l’esprit délicat se sacrifie en sacrifiant sa foi, en sacrifiant l’honneur, le sot honneur que dispense le monde ; — que l’âme se sacrifie elle-même en conduisant à la félicité de la chair l’argile douloureuse dont elle est prisonnière !

Nine envisage sans mépris ni colère les joies effrontées de Robert et d’Edouard. Elle ne s’étonne pas que deux êtres semblables, touchant presque à la perfection, se sentent l’un vers l’autre attirés par le charme irrésistible de leur beauté. Ce n’est pas immoral, cela qui stérilise en l’affinant l’attirance des corps. Ce qui est misérable c’est l’accouplement odieux et brutal d’où naît, de la laideur, la laideur ;