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LUC

légers en leurs écharpes célestes, que lui dans sa soutanelle de pourpre et son rochet de dentelles.

L’avait-il assez souvent grondé ! le pauvre vicaire, sans qu’aucunes fois la dissipation regrettable se fût résolue à la contrition. Le vieux prêtre le disait bien, avec des mots effrayants et précurseurs d’un enfer terrible : Luc en était à l’impénitence finale !

En effet, les cérémonies du culte exaltaient sa fièvre, Le tumulte des orgues, les chants, le frémissement lumineux des cierges, la splendeur des ornements sacerdotaux, le contact incessant avec le grand public de la nef exerçaient une influence pénétrante sur la nervosité insoupçonnée du petit clerc et servaient, sans qu’il s’en rendît compte, son besoin de paraître et son désir d’être remarqué.

Le dimanche où le vieux maître de cérémonies avait, en même temps, d’une tape réprimé la turbulence et, d’une image encouragé un recueillement impossible chez son élève, celui-ci avait observé pour la dixième fois peut-être depuis les trois mois qu’il était enfant de chœur, une mignonne fillette toujours au même prie-Dieu de l’allée centrale, un peu en avant, du côté de l’Evangile, — ce côté jardin de la scène où se recommence la Divine Tragédie. Sur son passage elle lui souriait instinctivement puis, se sentant rougir, cachait, en se tournant vers sa mère, l’audace mal définie d’avoir osé, à l’église, regarder en face le jeune garçon si joli dont les limpides regards, dans le visage pâle et fin, ne se détournaient pas et contenaient déjà le frémissant orgueil de conquérir.

Luc Aubry, un soir après vêpres, poussa la curio-

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