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LUC

où Julien sacrifiât sa jeunesse à leurs laideurs mamelues.

Luc, plus jeune et moins informe’, exprimait moins de répugnances ; mais Julien le connaissait trop pour ignorer ses sentiments… et le résultat de sa première expérience rue du Rocher. L’enfant avait parlé. Ce qu’il n’avouait pas à son ami, qu’aurait ulcéré cet aveu, toute son attitude et ses dédains opposés aux offres pressantes, aux supplications mêmes dont il apportait les témoignages irrécusables à Julien, — toute son attitude le révélait sans équivoque. Si Luc aimait une femme, il ne songeait qu’à Jeannine. Il se faisait de la jeune fille un but idéal vers quoi tendaient ses jeunes aspirations, bien qu’il conservât peu d’espoir de les couronner jamais, mais avec, malgré tous les obstacles, ce but très précis et très délicieux : plaire à Jeannine et se rapprocher d’elle !

Julien craignait cela, et dans le secret de son âme angoissée un espoir se levait, joie terrible et douce, dont la beauté sublime défiait le deuil prochain d’une amitié que Jeannine lui pouvait ravir…

Il se rappelait, hélas ! la persuasion obstinément douce qu’il dut employer pour que Lucet acceptât, le jour où prirent fin les séances de Daphnis, une perle, splendide il est vrai comme un rayon de lune sur une gorge de colombe, qu’il piqua lui-même à la cravate du modèle adolescent. Faible merci pour ce que, durant des jours et des jours, Luc avait offert à ses yeux extasiés les beautés quasi-divines de son jeune corps, la grâce de ses formes savoureuses. Il se rappelait aussi ses ruses pour passer au doigt de l’adolescent un anneau d’or ciselé cloué d’une pure émeraude en