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LUC

goût. Jeannine a peur pour Lucet, une peur irraisonnée qui la tient toute tremblante. Jeannine eût aimé qu’on lui révélât mieux encore que ne le fit Luc chez Julien, les phases diverses qui précèdent l’entrée en scène d’un acteur. L’envers du théâtre, pour elle, restait une énigme. — Et tous les enfants ont cette illusion et cette impuissance à se représenter la transition de la vie commune aux rêves quasi réalisés sur la scène. « Un acteur » cela représente de tels éloignements de leur naïve compréhension des choses que jamais ils ne peuvent, les chers petits, deviner la banalité dissimulée en les clinquants, les paillettes, les oripeaux et la rampe illuminés ; mystères qui se tiennent au delà de leurs jolies imaginations.


Luc arrive à sept heures, avant tout le monde. Il monte saluer, dans sa loge, Déah Swindor qui souvent dîne au théâtre. On achève de la servir sur une petite table où des fraises, des fleurs et du champagne, ensemble, rient, embaument et pétillent. Déah offre sa main au baiser de Luc et se fait bonne, câline et gentille avec lui. Il s’assoit un instant et, lui aussi, prodigue les câlineries de ses paroles et la distinction ravissante de sa voix et de ses gestes. Ils rient tous deux. Ne sont-ils pas loin, bien loin du prosaïsme maussade, hors le monde ! tous deux renfermés dans la loge-salon tendue de damas vieux bleu pâle et crème ; vieux bleu pour que la chevelure ébouriffée de Déah et la pâleur de son teint se caressent aux tonalités mourantes des soieries brochées. Dès que leur bavardage tranquille est troublé par les infinies sollicitations du théâtre et qu’il est l’heure aussi de se