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LUC

cruelle, haineuse — au moins d’opposer à son image poncive et polluée, appât destructeur offert au rut, l’image de la réelle et toujours neuve Beauté.

Moins que jamais il la veut dérober l’Icône, à l’insu d’elle-même, en silence adorée ; et Luc se repose sur l’amicale assurance de Julien. Comme ils sont sans reproche l’un et l’autre, il ne leur déplaît pas que tout Paris apprenne leur amitié quelque étrange qu’elle soit. Tout Paris, d’ailleurs, a trop à se faire pardonner pour qu’il lui reste la possibilité de juger sévèrement.

Ils ont ensemble étudié ses tares et se récréent de les pénétrer chaque jour davantage, — Julien pour savourer toutes les ignominies connues et se venger par son mépris de ce monde clinquant et crapuleux ; — Lucet, pour apprendre à quelles gens son verbe harmonieux, comme dit Julien, va parler de beauté. Quand ils ont ensemble entendu dans quelque salon vanter ou bafouer les turpitudes mal dissimulées, leur amitié leur apparaît encore plus belle, plus saine, en regard de telles exibitions de laideur monstrueuse et de tumeurs prêtes à crever…


Luc finissait, sans se l’avouer, par trouver naturelle la pensée de cet attachement étroit à son ami dont le charme très grand dès longtemps avait séduit son cœur… Et par ces soirs très calmes après avoir bavardé théâtres et costumes, dans le somptueux atelier tendu de pourpres et d’ors vieillis, tandis que Julien se laissait aller aux graves rêveries sur le clavier du piano, Lucet plus d’une, fois avait été sur le point d’enlacer de ses bras le cou de Julien. Puis il