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LUC

de l’apparition de Luc au théâtre. Et puis Julien aimait braver l’opinion dans ces combats où l’épicurisme plat et sournois des repus s’élève contre la franche éclosion de sentiments logiques et sains. Quand il aurait pour Lucet mieux que de l’amitié ? — Et quand Lucet le lui rendrait ! Étaient-ils contraints de s’éloigner du seul sentiment, de la communion quasi spirituelle de leurs sympathies, pour s’abaisser jusqu’à la coupable réalisation physique ?

Cacher Lucet, rougir de Lucet, trembler pour des railleries d’ailleurs sans motif ! Mais quand elles seraient motivées ! Après ?… Julien connaît tous ces gens dont aucun n’oserait risquer en face la moindre allusion à la fantaisie de son amitié. Il les connaît, ces gens ; il les méprise ; et ce sont pourtant des gens de son monde, des gens chics, très chics ! Le reste, la foule, cliente à catins, il veut l’ignorer.

Et c’est une ineffable joie pour lui de parler, dans son atelier, pendant les poses de Jeannine, du petit comédien qui va débuter au théâtre. Il est le seul objet où se peut fixer sa pensée. Il est le seul ami qui retienne les pensées de Nine. Musique, promenades, fêtes et chiffons, choses inutiles auprès de cette obsession douce ; Lucet ! Qu’à l’improviste il arrive, tiède encore du feu des répétitions, Nine abandonne sa pose. Julien gronde en vain, trop heureux que son ami trouve chez lui, une diversion aux horreurs des coulisses. Lucet doit tout raconter, tout ! Nine supplie, demande et redemande les détails, et Lucet, avec ses grands yeux très vifs et très beaux qui font semblant d’être ingénus, conte et raconte le théâtre, les décors, les costumes, la musique, les espoirs, les colè-

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