Page:Achille Essebac - Luc.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LUC

sur aussi d’obtenir des poses satisfaisantes d’une jeune personne aussi turbulente que Nine… Nine, rapidement, a déjà plus qu’aux trois quarts fait l’inventaire de l’atelier. Elle se dirige vers la grande baie avant que Julien ait songé à la détourner de ce coin où Daphnis et Chloé s’offre au jour qui se meurt. Jeannine se trouve face à face, comme médusée, devant cette apparition soudaine de Lucet, médusée et déconcertée par l’imprévu de l’adorable nudité… Oh ! Nine se garde d’une pruderie qu’elle dédaigne. Elle est charmée. Bravement, elle prend son parti de rester là, devant. À quoi serviraient des réticences dont s’habillent mal la liberté de son allure, l’impromptu de sa volonté et l’indépendance de ses jugements ? Certes, oh ! oui, certes ! elle est sous le charme. Sur sa figure régulière et jolie, — jolie et ouverte, et brave comme une jolie figure d’adolescent, comme la jolie figure de Lucet pâle et franche sur le nu ferme de ses épaules, — le mystère demeure des impressions profondes que lui suggère la vue de Lucet Aubry, nu. Elle se campe bien en face, et, dans le crépuscule, les images s’estompent et les mots aussi s’enveloppent, comme la silhouette de Daphnis, de brume d’or. Les mots, ils vont tout bas de Luc à Julien, heureux des éloges que méritent également la toile et le modèle. Et Jeannine, au lieu de fuir, discute avec Julien sur la facture, sur les détails techniques sollicités. Leurs yeux se mêlent parmi les courbes claires de ces jeunes membres aux rondeurs parachevées. Et l’on sent, à les entendre se parler bas, que tous deux, Julien et Nine, s’aiment en Lui…

Tous deux ! Voilà Nine grande comme Luc, presque