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aventures de don Galaor et les chevaleresques épopées d’Amadis des Gaules.

M. de Chaufontaine n’avait pas uniquement la préten tion de vaincre M. de la Guerche, la dague au poing : il voulait encore le convertir. Pour atteindre ce résultat mirifique et arracher ainsi une âme aux griffes maudites du malin, il se nourrissait par intervalles de lectures pieuses, d’oraisons et de thèses scolastiques, dont il retenait au hasard quelques lambeaux. Quelquefois même il apprenait par cæur certains passages qui lui paraissaient d’une éloquence édifiante, et il les récitait aux arbres du jardin.

Un gros cerisier, dont il pillait dévotement les fruits, était chargé, dans ces occasions solennelles, de représenter Armand-Louis. Renaud l’accablait d’arguments victorieux ; l’arbre ne soufflait mot. Renaud, enchanté, redoublait ; et, la mémoire bourrée de citations, la bouche pleine de cerises, il prenait à témoin de son triomphe les poiriers et les pommiers d’alentour.

« Qu’as-tu à répondre, maudit parpaillot ? s’écriait-il. Quelle hérésie peux —tu opposer à cette dialectique ? Te voilà réduit au silence, vaincu, abimé ; mais la perversité de ton âme est telle, empoisonnée qu’elle est par le souffle de Calvin, que tu t’obstines dans ton erreur ! Va donc périr dans la Jéhenne, réprouvé ! ce n’est pas moi qui intercéderai auprès des saints, que tu renies, pour sauver ton âme ! Vade retro ! Si tu brûles in secula seculorum, ce sera bien fait ! »

Il déchargeait un coup de bâton sur le tronc du cerisier et partait pour chercher le véritable la Guerche, qu’il poursuivait d’arguments et bombardait de citations avec une véhémence que rien ne lassait.

Le plus plaisant était que, si on eût appris à M. de Chaufontaine que le parpaillot, son ennemi, avait la fièvre au moment même où il le vouait aux flammes de l’enfer, on l’aurait yu changer de couleur et trembler comme une feuille.