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nissait par des coups terribles. Cela durait depuis le temps où M. de la Guerche et M. de Chaufontaine cherchaient des prunelles dans les haies et des noisettes dans les taillis.

La sympathie des deux jeunes gentilshommes provenait de la grande similitude d’âge, de goût, de caractère ; l’an tipathie avait pour cause la différence de religion. Le comte Armand était huguenot ; le marquis Renaud bon catholique. Celui-là se découvrait au nom de feu l’amiral de Coligny ; l’autre tenait M. de Guise pour un grand saint. On avait donc six heures par jour pour s’aimer et six heures pour se haïr. Le reste du temps appartenait à l’escrime, à la chasse, à l’équitation. On disait de Renaud que personne, dans la province, ne montait aussi bien à cheval, si ce n’est M. de la Guerche ; et d’Armand-Louis, que nul gentilhomme de la contrée ne maniait aussi leste ment l’épée, le poignard de merci, la pertuisane et l’arquebuse, si ce n’est M. de Chaufontaine. Le comte traver sait une rivière comme un cygne ; le marquis franchissait un ravin comme un chevreuil. Ils luttaient contre les mêmes taureaux ; et si l’on ne connaissait pas de barrière qui pût l’arrêter, l’autre ne savait guère de fossés devant lesquels il eût reculé.

Quand on rencontrait le jeune Renaud à cheval, courant dans la campagne, c’est qu’il cherchait Armand—Louis ; quand on voyait le comte, tête nue, passant comme un cerf à travers les bruyères, c’est qu’il allait au—devant du marquis. Peu après, on les apercevait au bord d’un ruisseau, déjeunant d’un morceau de pain qu’ils arrosaient frater nellement d’un peu d’eau fraiche ; la chose faite, épuisés par la course, ils dormaient côte à côte.

« C’est Nisus et Euryale ! » disaient les savants du pays.

Mais si le lendemain, on entendait dans une clairière le bruit sourd d’une branche de chêne heurtant un bâton de cornouiller, les bergers du canton savaient que les deux inséparables étaient aux prises.