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en brosse et de larges mains crochues, pareilles aux serres d’un milan.

Il jeta un regard de fin connaisseur sur les chevaux.

— Voilà des animaux fourbus, dit-il ; si Vos Seigneuries ont besoin de coursiers frais, robustes et légers, elles trouveront à s’arranger ici.

— Ah ! nous sommes un peu maquignons ? répondit Renaud, qui venait de mettre pied à terre.

— On rencontre beaucoup de pauvres bêtes qui errent sans maître, cela fend le cœur, reprit l’hôtelier : je les recueille pour le service des honnêtes gens qui hantent ma maison.

Carquefou, qui avait déjà rendu visite à l’office et à la cuisine, parut sur le seuil de la porte :

— On n’a jamais vu auberge si peuplée de moines, dit-il : j’en ai compté trois autour d’une chaudière qui répand une aimable odeur de choux et de lard ; deux dans le jardin, et deux autres encore qui méditaient devant le cellier, sans compter les quatre qui sont en prières en ce moment sous la treille.

— Ce sont des pères capucins qui se rendent en pèlerinage à Cologne et qui arrivent du fond de la Poméranie, dit l’aubergiste. Leur passage répandra certainement les bénédictions du Seigneur sur ma pauvre maison.

— Holà ! maître Innocent ! cria celui des moines qui paraissait le Supérieur, faites préparer mon souper : quelques lentilles cuites à l’eau et une poignée de noisettes.

— Hum ! fit Carquefou, que voilà un régime propre à faire prendre la vie en dégoût !

— Je ne veux ni vin ni bière, ajouta le moine : l’eau de la fontaine qui coule au fond du jardin suffira pour étancher ma soif.