Adrienne abrégea cette heure fatale en se précipitant dans son oratoire, où Diane la suivit.
Penchée à la fenêtre, derrière un épais rideau, elle regardait dans la rue ; elle avait été forte aussi longtemps qu’elle avait dû raffermir le cœur déchiré de M. de la Guerche : pas une larme alors, mais un accent viril, un sourire confiant, un visage tout illuminé par les flammes de l’amour et de la foi ; mais quand elle les vit disparaître derrière l’angle du mur, une pâleur mortelle se répandit sur tous ses traits, et des larmes l’inondèrent.
— Mon Dieu ! s’écria-t-elle les mains jointes et dans l’attitude de la prière, mon Dieu, ayez pitié de moi !
Derrière elle, et prosternée, sanglotait la rieuse Diane de Pardaillan.
Le comte de Pappenheim, à la tête d’une bande de cuirassiers, voulut faire escorte lui-même aux deux gentilshommes. Il avait la parole du comte de Tilly, mais il ajoutait plus de confiance aux épées et aux cuirasses de ses soldats. Un temps ils coururent sur la route, qui fuyait sur le nord, le grand maréchal en tête, et derrière eux l’escadron de ses cavaliers. Quand on fut à deux heures de Magdebourg, il s’arrêta.
— Adieu, maintenant, dit-il ; vous êtes libres, la campagne est ouverte !
Quelque temps Armand-Louis et Renaud marchèrent en silence ; leurs mains retenaient leurs chevaux comme s’ils eussent compté les pas qui les séparaient des deux captives. Au loin, de grands nuages de poussière voilaient la route que suivait l’armée impériale. Un dôme de fumée opaque planait au-dessus de Magdebourg. Partout des arbres abattus ou calcinés, des chaumières brûlées, des hameaux saccagés, des moissons foulées aux pieds ; mais ce deuil de la nature n’égalait pas encore le deuil de leur âme.