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Tout à coup on la vit s’arrêter, et, montrant du geste un pan de gazon foulé en ligne droite par les sabots de cinquante chevaux :

— Là ! là ! s’écria-t-elle.

Jean de Werth accourut.

— Je ne vois rien que des pas comme on en voit partout ! s’écria-t-il après qu’il eut des yeux interrogé le marais.

— Et cela, qu’est-ce donc ? reprit Mme d’Igomer en désignant du doigt un nœud de rubans qu’on voyait flotter parmi les roseaux à quelque distance du bord. C’est là qu’ils ont passé. Ce bout de soie qui pend à la cime des joncs ne vous le dit-il pas ? Ah ! je le reconnais, moi ! Ce nœud de rubans couleur de feu, Mlle de Pardaillan le portait à son corsage. Voyez le sentier sous l’eau, voyez ces empreintes profondes qui se suivent et se perdent au loin !

— C’est vrai ! dit Jean de Werth.

— S’ils ont passé, ne passerons-nous pas comme eux ? Ah ! ce nœud de rubans ! Je veux savoir si Renaud de Chaufontaine n’est pas tombé près de lui !

— Que faites-vous ?

— Je vous montre le chemin. Me suivrez-vous si j’arrive ?

Et, poussée par le démon de la haine, Mme d’Igomer lança son cheval dans le marais avant que personne pût l’arrêter.

— Prenez garde ! c’est tenter Dieu, lui cria l’un des paysans que Jean de Werth avait interrogés.

Mais les pieds du cheval venaient de rencontrer un terrain solide : Mme d’Igomer secoua la tête avec dédain et poursuivit sa marche périlleuse. Le nœud de rubans couleur de feu, qu’elle ne quittait pas du regard, l’attirait comme un aimant.

Pendant quelques minutes, les cavaliers de Jean de Werth la suivirent des yeux, hésitant sur le bord, tentés de la suivre,