Bien sûr que les protestants ne s’étaient pas échappés par la route qui rampait dans la vallée, il arrêta un paysan :
— Sais-tu si le marais est praticable en quelque endroit ? dit-il.
— Nos pères ont parlé d’un sentier qu’on y voyait autrefois, répondit le paysan, qui tremblait. Mais le secret s’en est perdu depuis de longues années. Le garde Asa, au temps où il était jeune, l’a parcouru quelquefois pour surprendre des canards. J’étais moi-même tout petit alors. Que de gens se sont noyés en essayant de l’imiter.
Jean de Werth voulut voir Asa et se fit conduire à sa demeure.
— On assure que tu connais le sentier qui passe au travers du marais, dit-il ! on distingue des pas nombreux de chevaux sur les bords. Est-ce toi qui as servi de guide aux huguenots ?
— Moi ! répondit le garde ; j’ai veillé cet enfant toute la nuit ; et mes deux fils sont morts en combattant les Suédois, l’un à Leipzig, l’autre au passage du Lech.
— Et tu penses que si les huguenots maudits que nous poursuivons ont mis le pied dans ce marais, sans guide, personne d’entre eux n’en sortira vivant ?
— Personne !
Jean de Werth se retira.
— Ô mes fils ! murmura le garde.
Et il embrassa l’enfant, qui dormait.