il en s’adressant à M. de la Guerche. Les bois que vous venez de traverser ont-ils payé la dette du camp de Stettin ? Le comte de Pappenheim s’est-il souvenu du comte Éberart ?
— Oui, répondit Armand-Louis.
— Alors, messieurs, bonne chance ! Et, s’il plaît à Dieu, nous nous rencontrerons sur un champ de bataille. Là, vous verrez que je n’oublie rien.
M. de Pappenheim salua fièrement de la main les deux gentilshommes, et, suivi de ses cuirassiers, il se perdit bientôt dans un nuage de poussière.
Et, le regardant, tandis que le Soldat s’éloignait au pas, lentement, à la tête de ses cuirassiers :
— Singulier homme ! dit Renaud.
— Étrange, en effet, répondit M. de la Guerche : il y a en lui comme un mélange de toutes les bonnes et de toutes les mauvaises qualités. Les unes lui appartiennent, les autres sont le résultat des événements et des luttes auxquels toute sa vie a été mêlée ; il a le germe des meilleures et des plus hautes vertus, la passion de la gloire, l’amour de son pays et de sa religion, une fidélité à toute épreuve à son drapeau et à son empereur, une bravoure indomptable ; mais tout cela est comme envenimé et corrompu par une ambition formidable, un orgueil implacable, le mépris des hommes et le dédain de toute règle. Hier, il marchait dans une ville en flammes et faisait passer son cheval sur les cadavres de dix mille Allemands. Que lui importait ! il n’y avait là que des rebelles et des protestants ! Et ce même jour il se mettait résolument, au péril de sa vie, entre deux femmes et une armée en proie à l’ivresse du pillage. Hier il aspirait impitoyablement à la main d’une fille noble qui le repousse ; aujourd’hui il sauve son rival. Les événements l’ont rendu ce qu’il est, farouche, violent, capable des plus terribles représailles,