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— Explique-toi ! s’écria Adrienne.

— Il est venu à moi tout à l’heure, je lui tendais la main, il l’a prise et s’est tout à coup jeté à mes pieds. Devant cette action inattendue j’étais comme une personne privée de sentiment. Le comte m’a déclaré qu’il m’aimait, que rien ne l’empêcherait de m’aimer toujours, et que, pour arriver jusqu’à moi, il n’était rien qu’il ne fît. Va, ce n’est plus toi qu’il menace, c’est moi ! J’ai vu clair dans le feu de ses discours : toute cette intrigue, c’est Mme d’Igomer qui l’a nouée. Elle nous a vendues à Jean de Werth et à M. de Pappenheim. Ce n’est plus un enlèvement comme dans la Marche de Brandebourg, c’est un emprisonnement dans un palais. Que Dieu nous sauve !

Bien des choses firent voir à Mlle de Souvigny que Diane ne se trompait pas. Elle comprit alors que dans cet immense édifice, où tout semblait être donné au plaisir, le plus dur esclavage leur était préparé. Pour toutes deux, il renfermait les limites du monde ; aucun bruit, aucun mot, aucun souvenir de ce qui se passait au delà des six portiques autour desquels veillait la garde de Wallenstein. Vêtues de soie, couvertes de dentelles, chamarrées d’or et d’argent, promenées sous des lustres étincelants, elles étaient pareilles à des esclaves ; elles ne savaient même pas si, dans le monde entier, quelqu’un se souvenait qu’elles eussent vécu.

Un soir, dans un bal, Mme d’Igomer se rapprocha de Diane, que depuis un certain temps déjà elle affectait d’appeler Mme la comtesse de Mummelsberg. C’était un soir de fête. Assise tristement à côté de Mlle de Souvigny, Diane regardait, sans la voir, la foule des courtisans qui ondoyait dans les appartements tout ruisselants de lumière.

— Eh quoi ! dit Mme d’Igomer en prenant la main de Diane,