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de lui et que l’horreur d’une déroute n’avait pu disperser. Lorsque le vieux capitaine se décida à quitter le champ de bataille, où achevait de disparaître sa fortune militaire, la nuit s’approchait, et il ne lui était déjà plus facile d’échapper aux vainqueurs. Poursuivi sans relâche, blessé quatre fois, affaibli par la perte du sang, le comte de Tilly semblait ne pouvoir plus se soustraire aux mains des Suédois acharnés à l’atteindre. Son escorte, à toute minute diminuée par le fer et le feu, était réduite à quelques hommes. À deux lieues du champ de bataille, la poursuite durait encore. Déjà un officier des gardes finlandaises, l’épée haute, abordait le vaincu et levait la main pour le saisir par la ceinture.

Le capitaine Jacobus, morne et livide, les mains rouges de sang, le feutre et la casaque troués en vingt endroits, plus furieux que harassé, marchait sur le flanc de l’escorte. D’un coup de pistolet, il cassa la tête de l’officier finlandais, et faisant monter le vieux général sur le cheval du mort :

— Et qui donc résisterait au roi Gustave-Adolphe, si le comte de Tilly tombait ? dit-il.

— Merci ! dit l’homme de Magdebourg.

Et, piquant de ses éperons le flanc du cheval suédois, il gagna la forêt, où le comte de Pappenheim ralliait les débris de ses régiments.

Un instant le capitaine Jacobus s’était arrêté pour laisser souffler le vigoureux cheval qu’il avait ramassé dans la plaine. Ses yeux se portèrent vers les hauteurs, couronnées alors par l’armée suédoise.

— Tu triomphes, Gustave-Adolphe, s’écria-t-il, mais, patience, la guerre n’est pas finie, et nous nous reverrons !

Un grand cri retentit soudain et l’interrompit. C’était M. de la Guerche qui venait de le reconnaître et fondait sur lui, suivi de Magnus.