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LA MAISON DE LA RUE DU ROCHER

leur service qu’une robuste servante, qui faisait la cuisine et les gros ouvrages et à laquelle, chaque jour, la femme du concierge donnait un coup de main. Excitées en cela par l’exemple de leurs maîtresses, qui avaient l’œil à tout, ces deux bonnes créatures ne s’épargnaient pas. Les philosophes ont prétendu que les êtres naissent avec des facultés qui destinent les uns à rester simples soldats jusqu’à leur mort, dans les rangs de l’armée humaine, tandis que d’autres sont portés par des facultés contraires au premier rang et naissent en quelque sorte généraux. Mina semblait donner raison à cette théorie. Elle avait inné en elle le don du commandement.

Sans avoir besoin de se fâcher jamais, par un simple regard ou une légère inflexion de la voix, elle savait se faire obéir spontanément et obtenait tout, même des personnes qui avaient le goût de la résistance. Ce n’était pas qu’on l’aimât dans la juste acception du mot. On cédait par l’effet d’une loi mystérieuse dont on subissait l’empire sans le raisonner. Elle était dans l’hôtel comme une fée, allant et venant de la chambre au jardin, et du salon à l’office, proprette, rapide et leste, et laissant derrière elle une fine odeur de violette qui eût permis, les yeux fermés, de la deviner au passage. Il ne fallait pas moins que cette activité et cette vigilance pour compenser ce qui manquait à la mère et à la fille du côté de la fortune ; mais, grâce à ces deux vertus, elles arrivaient sans encombre au bout de