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DROIT AU BUT

petit ménage, dont sa mère lui laissait la direction, moins par fatigue que par prévoyance, avec un ordre parfait. Une abeille n’a pas plus d’activité. On aurait pu croire que c’était son plaisir. Mais, la besogne finie et toute chose bien réglée, les légers soupirs qui soulevaient sa poitrine et certains petits ouff ! qui s’en échappaient, pouvaient faire supposer aussi que c’était un devoir auquel sa volonté s’astreignait avec plus de soumission que de contentement. Entre la mère et la fille jamais d’épanchements ni de caresses, mais jamais non plus d’aigreur ou de bouderie. Mina était unie et souple, madame Van der Flit calme et silencieuse avec une nuance de résignation. En creusant un peu, on finissait par reconnaître que cette douceur reposait sur un fond d’amertume dont la cause n’était soupçonnée que par les vieux amis de la maison.

Il y avait eu entre M. Van der Flit, emporté depuis quelques années déjà par une attaque d’apoplexie, et sa femme, dont la verte santé se conservait intacte et ferme, des froissements et des incompatibilités de goût dont seul il n’avait pas mesuré la profondeur et soupçonné les conséquences. Bon et faible, excellent mari, père dévoué, le pauvre homme n’avait pas eu l’art de rendre sa compagne heureuse dans le sens particulier qu’elle attachait peut-être à ce mot élastique. Elle en conservait le souvenir, bien qu’elle n’eût pas été, dit-on, infidèle à la loi du talion.

Madame et mademoiselle Van der Flit n’avaient à