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rêve, passer et s’effacer, derrière des buissons de houx, deux ombres noires dont deux toises de gazon et de ronces le séparaient. Un peu plus loin, les deux ombres se rapprochèrent du sentier. Un craquement de branches sèches cria sous la pression de pieds invisibles. Belle-Rose regarda son guide. Il semblait n’avoir rien vu et rien entendu. La présence de cette escorte mystérieuse rappela soudain à Belle-Rose les dernières paroles de M. d’Assonville ; il passa la main sous son habit ; quand il se fut assuré que le poignard, pris le matin même à tout hasard, était toujours à sa place, il saisit le bras du guide.

– Que me voulez-vous ? demanda celui-ci.

– Rien.

– Pourquoi donc me prendre le bras ?

– C’est mon idée.

– Et s’il ne me plaisait pas de le souffrir ?

– J’en serais désolé, mais il faudrait cependant bien que vous vous y soumissiez.

– Savez-vous bien, monsieur Belle-Rose, que si j’appelais, nous ne sommes pas si loin encore du carrosse qu’on ne pût m’entendre.

– Je crois même que vous n’auriez pas besoin d’appeler bien haut pour être entendu.

La main du guide trembla dans celle du sergent.

– Mais je vous préviens qu’au moindre cri et au moindre effort pour vous dégager, je vous plante ce poignard dans la gorge, continua Belle-Rose.

Le guide vit briller le pâle éclair de l’acier à deux pouces de son visage. Il frissonna.

– Et si je ne voulais pas avancer, reprit-il.

– Alors, nous reculerions ; mais comme cette nouvelle résolution me prouverait que j’ai quelque besoin de rester en votre compagnie, je vous prierais de vouloir bien reculer avec moi, et n’aurais garde de vous lâcher.

– Vous êtes fou ! Avez-vous donc peur d’être assassiné ?

– Moi, point. Mais j’ai toujours eu pour maxime de