L’air ouvert et franc de Belle-Rose avait charmé le petit Gaston, qui s’était pris tout de suite d’une grande amitié pour lui. Une part de cette amitié avait rejailli sur la Déroute, qui se prêtait de la meilleure grâce du monde à tous les caprices du bonhomme, se sentant, disait-il, d’excellentes dispositions pour gâter le neveu de M. de Nancrais. Il ne fallait pas vivre plus de trois heures avec le petit Gaston pour comprendre l’affection qu’il inspirait au vieux garde. C’était un enfant prompt, alerte, souriant, hardi comme un coq là où il y avait du péril, et caressant comme une petite fille à la moindre complaisance. Au bout d’un quart d’heure, la Déroute l’adorait, et quand il fallut songer au départ, Gaston savait déjà charger et décharger un pistolet, et se servir comme une recrue d’un mousquet de bois que le sergent lui avait façonné. Gaston voulut à toute force monter à cheval pour aller à Paris ; l’idée de voyager comme un soldat lui faisait un plaisir extrême ; Belle-Rose hésitait à le contenter, craignant pour lui les fatigues du chemin ; mais la Déroute, qui tenait à gagner les bonnes grâces du petit bonhomme, leva toutes les objections : tandis qu’on discutait encore, il trouva dans le pays un petit cheval à la fois vigoureux et doux sur lequel il installa Gaston, le fouet en main. Le vieux garde embrassa son cher enfant et jura à Belle-Rose qu’il serait avant lui à Sainte-Claire d’Ennery, et la cavalcade se dirigea vers Paris par Chevreuse et Sceaux. Il était près de minuit quand Belle-Rose entra dans la grande ville ; il n’y avait personne dans les rues si ce n’est çà et là quelques galants qui gagnaient le logis de leurs maîtresses, le manteau sur le nez ; on voyait encore de distance en distance luire des lumières derrière les jalousies, mais les bruits étaient rares et les clartés discrètes. C’était l’heure de Vénus.
– Le moment est propice, dit Belle-Rose à la Déroute, je puis sans risque frapper chez notre ami M. Mériset. On n’a garde de me croire à Paris, et si, par hasard,