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dont les yeux lançaient des éclairs au moment de la bataille ; la tristesse était revenue à son front et la pâleur à ses joues, où la ligne aiguë de ses moustaches se dessinait comme un coup de pinceau sur de l’albâtre ; à l’ardeur généreuse, à la mâle fierté, à l’impatience téméraire dont les flammes coloraient tout à l’heure son beau visage, un doux et mélancolique sourire avait succédé. Jacques se sentait tout à la fois ému et attiré par cette tristesse mystérieuse dont la source devait sourdre au fond du cœur. Il s’assit et raconta la naïve histoire de sa jeunesse, de ses amours, de son départ. M. d’Assonville l’écoutait ; un instant ses yeux s’humectèrent au récit des amours innocentes de Jacques, mais cet instant fut si court, que Jacques ne vit pas même briller sa prunelle humide. M. d’Assonville porta le verre à sa bouche.

– Je bois à tes espérances, dit-il.

Jacques soupira.

– C’est la fortune du pauvre ! murmura-t-il. Si ton amante a le cœur honnête et sincère, garde-les ; mais si elle est faible comme le roseau ou trompeuse comme le vent, chasse-les hardiment ! Des espérances trahies sont comme des épines qui déchirent.

– J’espère, parce que je crois, répondit Jacques.

– Tu as dix-huit ans ! s’écria M. d’Assonville.

Et un éclair d’ironie amère passa dans ses yeux ; puis il reprit tout doucement :

– Crois, Jacques ; la croyance est le parfum de la vie et la parure de la jeunesse ; malheur à ceux qui n’ont pas cru ! ceux-là n’ont pas aimé ; ceux-là mourront sans avoir vécu !

M. d’Assonville pressa les deux mains de Jacques ; le reflet d’une passion mal éteinte illumina son visage, et il avala son verre tout d’un trait.

– À quoi pensais-je ? reprit-il ; il s’agit d’amour et point de philosophie ! Voyons, Jacques, que comptes-tu faire ?

– Je vous l’ai dit : me rendre à Paris et chercher