savourer le fumet d’une perdrix cuite à point, et pas de malheur qui le contraignît à laisser pleine une bouteille de vin vieux. Au petit jour, le comte boucla son ceinturon et paya l’écot.
– M. de Charny doit avoir, à l’heure qu’il est, se dit-il, rendu compte à mon magnifique cousin du résultat de notre poursuite. C’est un récit qui m’aura montré sous un point de vue tellement héroïque, que je ne saurais trop me hâter d’échapper à la reconnaissance de monseigneur le ministre. J’ai bien un tout petit prétexte à alléguer pour ma justification, mais avec un ministre de ce caractère, il faut avoir quatorze fois raison pour ne pas avoir tort ; mon prétexte est insuffisant. J’ai bien encore la ressource d’aller en Turquie me battre contre les Turcs, mais, en attendant, le plus court est de me rendre à Chantilly. Quand je serai dans la maison du prince de Condé, ce sera bien le diable si le ministre ne me respecte pas. Mon prétexte se haussera tout de suite à la taille d’une vérité.
M. de Pomereux en était à la queue de son raisonnement quand il mit le pied à l’étrier ; il prit de suite un chemin de traverse et se rendit tout droit à la résidence royale du prince de Condé. Le prince de Condé, celui-là même qu’on devait appeler un jour le grand Condé, avait vu le père et le frère aîné du comte de Pomereux sur le champ de bataille de Rocroi ; le frère avait été tué en Flandre, en combattant sous ses ordres. C’était une famille de braves gentilshommes ; il accueillit noblement celui qui venait s’asseoir à l’ombre de son nom. M. de Pomereux put se regarder sur l’heure comme un officier de sa maison.
Quand M. de Charny eut appris à M. de Louvois les événements de la nuit, le ministre bondit sur son fauteuil. Il se fit répéter les détails de cette fuite, et M. de Charny n’en omit aucune circonstance. M. de Louvois s’était rassis et l’écoutait la tête dans sa main. Ce calme