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pour que je recommence jamais. Diable ! mon drôle, tu t’es bien vengé.

– Non pas ! je me suis battu, voilà tout.

– Oh ! je ne t’en veux pas ! Si je t’avais cassé la tête, tout cela ne serait pas arrivé. C’est une leçon… il est un peu tard pour m’en servir ; qu’elle te profite au moins.

L’officier se retourna sur le flanc.

– Vois-tu, reprit-il, quand on tient un ennemi, le plus court est de lui brûler la cervelle. C’est un principe que j’avais toujours mis en pratique ; pour l’avoir oublié une fois, voilà où j’en suis réduit…

Une convulsion serra le gosier du Hongrois, qui se tordit au pied de l’arbre.

– De l’eau ! de l’eau ! murmura-t-il encore, j’ai des charbons dans les entrailles !

Jacques posa le chapeau plein à son côté, et courut chercher du secours. Il trouva M. d’Assonville inspectant sa troupe, suivi d’un maréchal des logis, qui rayait les noms des morts sur le livre de la compagnie.

– L’officier hongrois, qui voulait me faire pendre aux frontières de l’Artois, se meurt, lui dit Jacques ; ne pourrais-je pas le faire transporter à l’ambulance pour qu’il reçoive les soins que réclame son état ?

M. d’Assonville regarda Jacques.

– Ah ! c’est le capitaine qui voulait te faire pendre aux frontières de l’Artois ! C’est bien, mon garçon, va.

Jacques partit avec deux grenadiers. L’officier hongrois fut placé sur un brancard garni de bottes de paille. Quelques gouttes de sang se figeaient au bord de ses plaies ouvertes, ses dents claquaient de froid. Le fils du fauconnier le couvrit de son habit.

– Quel cœur as-tu donc ? lui dit brusquement l’officier.

– Le cœur de tout le monde.

– Parbleu ! tu es bien le premier habitant de ce monde-là que je rencontre.

Les yeux du Hongrois brillaient et s’éteignaient tour à tour ; quand il les ouvrait, il regardait Jacques.