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Belle-Rose soupira.

– Voulez-vous que je vous le dise, moi ? continua la Déroute, elle mourrait. Ce serait une mauvaise action, et vous n’avez pas le droit d’exposer une personne qui vous aime et que vous aimez. Ce que vous prétendez faire, je le ferai mieux que vous, ayant le langage et les manières d’un pauvre diable, ouvrier ou villageois. Si je péris dans l’entreprise, il sera temps que vous preniez ma place ; au moins, moi mort, n’y aura-t-il que moi.

Belle-Rose prit la main de son camarade et la serra.

– Fais ce que tu voudras, lui dit-il.

La Déroute ne se le fit pas dire deux fois et partit pour l’hôtellerie du Cheval noir, après s’être couvert d’un habit de drap qui lui donnait l’air d’un artisan. À la brune, il vit arriver un grand garçon qui marchait le nez en l’air, portant sous le bras une petite valise et au bout d’un bâton un paquet serré dans un mouchoir à carreaux blancs et bleus. Ce grand garçon s’en allait regardant les enseignes, le chapeau sur la nuque, la bouche ouverte et traînant ses guêtres le long du ruisseau, d’un air émerveillé. Les manches de son habit lui restaient aux coudes et ses cheveux plats tombaient comme de la filasse sur ses oreilles.

– Hé ! Ambroise Patu ! cria la Déroute en courant à sa rencontre.

Le grand garçon sauta de l’autre côté du ruisseau tout effarouché. Sa valise faillit rouler dans la boue, et il demeura planté sur ses longues jambes au beau milieu de la rue, les yeux tout écarquillés.

– Tiens, dit-il, vous me connaissez ?

– Parbleu ! si je ne vous connaissais pas, vous aurais-je appelé ?

– C’est vrai, répondit Ambroise, qui trouva sans réplique le raisonnement de la Déroute ; mais c’est tout de même drôle que vous sachiez mon nom quand je ne sais pas le vôtre.