question, un courrier m’est arrivé de Flandre ; j’ai appris que la nuit même du départ de Belle-Rose, le jeune officier avait eu une conférence avec M. de Luxembourg ; on m’a conté les détails d’une scène qui s’est passée au camp de Charleroi, à propos d’un capitaine qui avait encouru la peine de mort ; j’ai tout appris : le soldat a été l’instrument du général.
– Oserai-je demander à Votre Excellence ce qu’elle compte faire ?
– Moi ? rien.
– La question devient donc inutile ?
– Tout à fait.
– Et le prisonnier peut être mis en liberté ?
– Non pas. Je l’oublie, voilà tout.
Le gouverneur comprit la terrible signification de ces mots, qui condamnaient Belle-Rose à une détention perpétuelle.
– Il faut bien qu’on sache, reprit le ministre en se levant, que par moi on peut tout, que sans moi on ne peut rien.
– Permettez-moi d’espérer, monseigneur, qu’un jour vous m’autoriserez à reprendre cet entretien.
– Soit ; je vous ajourne à vingt ans.
Tandis que ces choses se passaient à Paris, Mme d’Albergotti prodiguait à son mari les soins les plus tendres ; sa figure était devenue blanche comme un cierge ; ses mains semblaient transparentes ainsi que l’albâtre. Quand venait le soir, Claudine l’accompagnait dans sa chambre, qui était attenante à celle du marquis.
– Mon Dieu, vous vous tuez, lui disait la pauvre fille en l’embrassant.
– Laisse, répondait tristement Suzanne, c’est pour moi le repos qui vient.
Une nuit, la troisième depuis le passage de Mme de Châteaufort, M. d’Albergotti appela Suzanne. Suzanne était déjà au chevet de son lit.
– Vous souffrez ? dit-elle.