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Parlez, monsieur, que faut-il que je tente ? Quoi que ce soit, je suis prêt à obéir, et si je ne réussis pas, j’y laisserai mon corps.

Il y a toujours dans l’expression d’un sentiment vrai un accent qui émeut ; les larmes étaient venues aux yeux de Jacques, et son attitude exprimait à la fois l’angoisse et la résignation ; M. de Malzonvilliers était au fond un bon homme ; la vanité avait obscurci son jugement sans gâter son cœur ; il se sentit touché et tendit la main à Jacques.

– Il ne faut point te désoler, mon ami, lui dit-il, ni prendre les choses avec cette vivacité. Tu aimes, dis-tu ! Il n’y a pas si longtemps que j’aimais encore ; mais je ne me souviens guère de ce que j’aimais à dix-huit ans. Tu oublieras comme j’ai oublié, et tu ne t’en porteras pas plus mal.

Jacques secoua la tête tristement.

– Oui ! oui ! on dit toujours comme ça, continua le traitant. Eh ! mon Dieu, à ton âge, je me croyais déjà dans la rivière parce que j’avais perdu l’objet de ma première flamme ! Mais, bah ! j’en ai perdu bien d’autres depuis ! Parlons raison, mon garçon ; tu m’entendras, car tu as du bon sens. Plusieurs gentilshommes du pays me demandent la main de Suzanne. Puis-je, en conscience, te préférer, toi qui n’as rien, ni état, ni fortune, et les repousser, eux qui ont tout cela ?

Jacques baissa la tête, et une larme tomba sur la poussière du sentier.

– Parbleu ! si tu étais riche et noble, reprit M. de Malzonvilliers, je ne voudrais pas d’autre gendre que toi !

– Si j’étais riche et noble ? s’écria Jacques.

– Oui, vraiment.

– Eh bien, monsieur, je m’efforcerai de gagner fortune et noblesse.

– Écoute donc, mon ami, ces choses-là ne viennent pas très vite. Je ne te promets pas d’attendre.