– Il n’y en a qu’une seulement que j’ai quitté la salle de police.
– Et tu t’y feras remettre si tu ne prends pas bien vite les insignes de ton grade. Cours, ou je te casse.
La Déroute, tout étourdi, salua le capitaine et partit. Mais durant les étapes, l’esprit du nouveau sergent, qui ne l’avait pas très vif, fut perpétuellement occupé à chercher les motifs de son avancement. S’il avait mérité d’être puni, pourquoi lui donnait-on la hallebarde avant même l’expiation de sa peine ? mais si sa conduite, au contraire, voulait une récompense, pourquoi avait-on commencé par le mettre en prison ? En outre encore, le capitaine était-il content ou mécontent ? Cette double question troublait l’entendement du pauvre la Déroute : c’était une charade dont le mot lui échappait. Comme on le pense bien, jamais il n’osa s’en expliquer franchement avec M. de Nancrais ; il est donc à croire qu’il est mort dans cette fâcheuse perplexité.
Tandis que sa compagnie marchait vers la frontière du Nord, Belle-Rose pressait le plus qu’il pouvait l’organisation de ses recrues. Il y mit une telle activité, que peu de jours après son escouade fut en état de partir, si bien qu’il arriva au quartier général de l’armée avant l’ouverture de la campagne. L’armée de Flandre était commandée par M. le prince de Condé, qui avait sous ses ordres M. le duc de Luxembourg, M. le duc d’Aumont et d’autres généraux. Le bataillon d’artillerie dont faisait partie la compagnie de M. de Nancrais appartenait au corps de M. de Luxembourg, réuni un des premiers sur les bords de la Sambre, à Charleroi. Lorsque Belle-Rose arriva au camp, la nuit tombait. Il se fit reconnaître des sentinelles placées devant le quartier d’artillerie, distribua ses hommes, et, sur l’avis que M. de Nancrais était absent pour affaire de service, il entra sous la tente qui lui avait été préparée. Belle-Rose venait de déboucher son ceinturon et de jeter son habit, lorsque, soulevant les plis de la toile, la Déroute parut à ses