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Je crois bien que la dame ne m’entendit pas, car elle reprit : – Mais quel risque court-il ? – Le risque d’être fusillé, voilà tout. – Elle pâlit. – Oh ! s’écria-t-elle, on fusille donc encore ? – On fusille toujours. – Que faire alors ? Si je lui faisais délivrer son congé, ou bien si on obtenait qu’il ne fût pas mis en jugement ? – Avant que cet ordre n’arrive, il sera condamné. – Mon Dieu ! un conseil, un conseil ! mais j’étais venue pour lui, moi ! – Eh bien, madame, ce qu’il nous faut, c’est sa grâce. – Sa grâce ! je l’aurai… mais qui la portera ? – Moi ; si je ne suis pas tué en route, j’arriverai à temps pour le sauver. – Attendez-moi là… Je reviens tout à l’heure ! – Celle qui parlait disparut soudain par la porte que l’huissier venait d’entr’ouvrir. Je restai seul quelques minutes qui me parurent un siècle. Mille réflexions accablantes désolaient mon esprit. Cette inconnue avait-elle bien la puissance que je lui supposais ? l’intérêt qu’elle semblait vous témoigner était-il bien réel ? Cependant la porte se rouvrit et la dame revint. Je ne vis rien cette fois que le parchemin qu’elle tenait du bout de ses doigts de neige. – Tenez, me dit-elle, le sceau royal est là, c’est sa vie que vous tenez. Partez ! – Son visage rayonnait. Je m’inclinai sur sa main que je baisai. – Votre nom, madame, afin que son père et sa sœur et lui-même vous bénissent ? – Mon nom ? je suis la duchesse de Châteaufort, mais ne le lui dites pas.

– Ainsi, elle voulait me taire son bienfait, dit Belle-Rose.

– Trois fois elle m’a recommandé le plus absolu silence, mais cette promesse je ne l’ai pas tenue… Il n’y a pas de haine ou de faute qu’un pareil service n’efface. Je descendis avec Mme de Châteaufort, son carrosse l’attendait devant l’hôtel. – Faites diligence, me dit-elle, et me serrant la main, elle partit. – Une demi-heure après, je galopais à franc étrier sur la route de Cambrai.

– Et vous êtes arrivé à propos !

– Je ne sais quelle crainte fouettait mon âme, tandis