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– Je t’avais vu, mon ami, dit tout bas M. d’Assonville, mais je croyais rêver. Au moins ne mourrai-je pas seul !

– Mais vous ne mourrez pas, capitaine ! s’écria le soldat.

– Bah ! mieux vaut aujourd’hui que demain ; le plus dur est fait.

M. d’Assonville rassembla ses forces et parvint à se soulever un peu ; ses joues et ses lèvres devinrent pourpres. Le chirurgien l’observait en silence.

– J’ai beaucoup de choses à te dire, mon ami, reprit le blessé ; c’est une sorte de confession ; pour m’aider à l’achever, tu as bien quelque chose à me faire boire ; j’ai la langue desséchée et la poitrine en feu.

Belle-Rose courut au chirurgien qui rangeait sa trousse dans un coin.

– Que faut-il donner à M. d’Assonville ? lui dit-il.

– Ce qu’il voudra, du lait ou de l’eau-de-vie.

Belle-Rose pâlit. Cette réponse arriva comme une balle à son cœur.

– Perdu ! murmura-t-il d’une voix étouffée.

– Croyez-vous aux miracles, monsieur ? reprit le chirurgien.

Belle-Rose le regarda, étourdi et muet.

– Si vous n’y croyez pas, je n’ai rien à dire ; si vous y croyez, espérez en Dieu. La science humaine n’a plus rien à faire ici.

Le chirurgien glissa la trousse dans la poche de son habit et prit son chapeau ; mais au moment où il allait se retirer une voix le retint.

– Monsieur le chirurgien, un mot, je vous prie.

Avec cette finesse extrême de sens dont quelques agonisants ont fourni de mémorables exemples, M. d’Assonville avait entendu la brève conversation de l’homme de l’art et de Belle-Rose ; il le rappelait.

Le chirurgien s’approcha.

– Je suis donc perdu, monsieur ? dit le blessé.