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accepter et définir elle-même un domaine de l’Inconnaissable, et laisser à d’autres méthodes que les siennes, la liberté d’y pénétrer, elle n’en a pas moins exécuté une tâche immense. La conception exacte et vérifiée des lois de l’univers matériel est acquise pour toujours, et pour toujours cette conception parallèle que l’univers moral a ses lois aussi, qu’il y a une science de l’éducation, une science du langage, une science de la politique, une science des mœurs. La mise en pratique de ces lois est le legs que ce siècle finissant, ce brave ouvrier de XIXe siècle, apporte au siècle commençant. À ce legs les écrivains qui ont étudié la vie humaine avec un intransigeant souci de la réalité auront collaboré au même titre que les philosophes et que les savants proprement dits. Quand les générations nouvelles passeront la revue des livres, romans, poèmes, pièces de théâtre, essais de tous genres où se sera dépensé notre effort de ces cent dernières années. Elles en écarteront sans doute comme caducs bien des ouvrages qui furent célèbres, mais où la rhétorique et la mode eurent trop de place, elles en retiendront, j’en ai la foi profonde, ceux qui auront été composés avec ce passionné scrupule d’exactitude. Il n’est pas téméraire d’affirmer que la part d’Alexandre Dumas sera très grande dans ce suprême triage, parce qu’il a beaucoup cherché, beaucoup aimé la vérité. Hélas ! cette forte phalange de nos grands aînés, qui avaient avec Flaubert doublé le roman de physiologie, avec Renan l’histoire religieuse d’exégèse, renouvelé avec Taine et Fustel l’histoire littéraire et politique par l’étude des origines des milieux et des races, la poésie avec Leconte de Lisle par l’érudition