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tressaillait dans votre cœur d’enfant. « Toute ma mythologie », avez-vous dit vous-même, « me revenait en tête, et je croyais sentir passer comme un frisson le souffle des Hamadryades ou entendre au loin la flûte du vieux Pan… » Avec l’autre, avec la vieille demoiselle que vous nous avez décrite dans des stances si émues, ouvrant un exemplaire de Zaïre, pour y contempler une relique d’amour, un œillet rouge séché entre deux pages, ce paganisme s’idéalisait, s’attendrissait en extases devant les miracles du monde végétal, et vous deveniez cet adorateur des plantes que vous êtes resté. Elle vous conduisait dans son jardin traversé par l’Ornain. Toutes les variétés de la flore de l’Est, les plus rares comme les plus communes, foisonnaient dans cet enclos, que tous vos lecteurs connaissent. Vous nous l’avez, à maintes reprises, minutieusement et amoureusement décrit, avec ses buis en boule, ses espaliers, son fouillis d’arbres et ses massifs qui dataient de l’enfance de la maîtresse du lieu. « Les fleurs, dites-vous, repoussaient chaque année aux mêmes places, il s’en dégageait une antique odeur, cordiale et pénétrante, qui semblait une émanation de l’esprit de la tante Thérèse… » Il circule dans tous vos poèmes rustiques cet arome cordial et pénétrant, les deux mots qui définissent le mieux l’art du Chemin des Bois, du Bleu et du Noir, du Livre de la Payse. Vous nous racontez quelque part qu’au cours d’une de ces promenades, vous avez demandé un jour à votre éducatrice comment se composait le miel. Elle répondit : « Avec le cœur des fleurs » et, se baissant, elle cueillit une primevère, puis, posant sur vos lèvres le pistil humide et vert : « Goûte », ajouta-t-elle. « Et j’y goûtai,