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l’homme ». Oui. Nature aimable et qui se laisse approcher, qui se prête à la familiarité humaine, où l’hiver n’est pas trop rude, où l’été n’est pas trop brûlant, où il fait bon vivre, et qui enseigne cette philosophie ramassée dans la devise d’un de vos ducs : Moderata durant. La race qui s’est formée là est à la fois sensible et réfléchie, exaltée et judicieuse. Toutes les énergies passionnés d’un pays de frontière sont en elle, et tout le raisonnement d’une population avisée, qui a corrigé les exaltations de son histoire par l’enseignement que lui donnait cette terre sans aspects excessifs et d’utile labeur. Ce mélange singulier de poésie et de jugement a son symbole dans l’écusson de votre cher Bar-le-Duc où se voient « trois pensées feuillées et tigées au naturel », avec cet exergue : « Plus penser que dire. » Ces trois fleurs de mélancolie, c’est le blason d’un poète, d’un rêveur, d’un chimérique, et cette devise positive est celle d’un homme d’action et d’un réaliste. Ces deux éléments contradictoires se juxtaposent dans votre pays. Ils se sont juxtaposés dans votre vie et dans votre œuvre. N’avez-vous pas écrit de la même plume des vers lyriques et des récits d’observation, de fines élégies pleines de songe et des nouvelles de la plus humble réalité bourgeoise ?

Vous nous avez raconté vous-même, en des pages d’une discrète autobiographie, comment le jeune Lorrain qui était en vous a reçu dans la vieille cité des ducs de Bar ce double enseignement de poésie et de réalisme. Avec quelle émotion pieuse, dans ces mêmes Années de Printemps, vous avez évoqué cette ville haute, sa tour de l’Horloge, coiffée en éteignoir, son château ruiné, les antiques hôtels de ses