Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’infini pour les géomètres est, sans raffinement, l’absence de limites ; par lui-même il n’existe pas, et ne peut exister. Les philosophes entourent ce mot de ténèbres mystérieuses où leurs pensées s’égarent d’un vol majestueux et hardi. Il a plu à Pasteur de parler ce jour-là leur langage.

« Celui qui proclame, disait-il, l’existence de l’infini, accumule dans cette affirmation plus de surnaturel qu’il n’y en a dans les miracles de toutes les religions. La notion de l’infini dans le monde, j’en vois partout l’irréductible expression. Par elle, le surnaturel est au fond de tous les cœurs. Tant que le mystère de l’infini pèsera sur la pensée humaine, des temples seront élevés au culte de l’infini. Qu’il s’appelle Brama, Allah, Jupiter ou Jésus, sur la dalle de ces temples nous verrons des hommes agenouillés, prosternés dans la pensée de l’infini. »

La foi pour Pasteur était un flambeau. La science rayonne ailleurs. Son âme, toujours sereine, contemplait l’infini sans étonnement et sans vertige. La sagesse est ignorante et fière de le savoir ; le doute est orgueilleux de son indépendance. Pasteur était humble.

La vie de Pasteur, si justement couronnée d’honneur et de gloire, a été attristée au début par des contradictions et des doutes. Ses voies étaient nouvelles ; on refusait de l’y suivre, par nonchalance, par scrupule d’un esprit critique, par envie quelquefois, plus encore par orgueil sophistique, de bonne foi partisan du progrès, mais rebelle aux changements de route.

Je crois entendre encore un confrère, qui se croyait un sage, passait pour tel, et n’était fier que de sa mo-