Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelles causes ? Suivant quelles lois ? Sous quelles influences ? Qui nous dira pourquoi on voit les générations changer sans cesse la livrée du langage et s’agiter vers le nouveau, sans rencontrer le meilleur !

Les curieux de ces hauts et difficiles problèmes vous acceptent pour maître ; vos livres les instruisent, vos leçons les attirent, vos décisions font pencher la balance. Il ne serait pas hors de propos au représentant de l’Académie française chargé de vous faire accueil, de dogmatiser sur l’origine du langage, d’opiner sur la corruption des syllabes, de chercher les conditions requises pour la permanence des accents, d’affirmer la précellence des idiomes respectés d’un autre âge, d’expliquer l’influence d’une langue vive et naïve sur les joyeux devis de nos pères, de définir le nombre, la cadence et le rythme des phrases, en quoi consiste, disait Vaugelas, toute la perfection du style. Pardonnez-moi, Monsieur, je suis fort ignorant, j’ai la confusion de l’avouer. Sur ces hautes questions, petites ou grandes suivant la portée des esprits, je ne pense rien. Ce n’est pas une raison pour s’en taire, mais c’est une excuse.

Vos débuts ont été brillants et devaient l’être. Un père éminent dont vous suivez les traces, a guidé vos premiers pas. Né dans une bibliothèque, regardant tout, sachant tout questionner, comme font les enfants à qui tout sait répondre ; des textes authentiques et corrects ont inspiré vos rêves enfantins. Vous saviez les noms des douze Pairs de Charlemagne. On vous racontait les belles histoires et les stratagèmes ingénieux de l’enchanteur Merlin, ce grand clerc en magie, philosophe de haut savoir, jovial et