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tant de noms éclatants de victoires, vous ne pensez pas que j’ose disputer ma reconnaissance à l’homme qui les a pour jamais inscrits dans les annales de la patrie ! Si grande que fut notre ancienne France entre les nations, Napoléon l’a faite plus grande encore. Vous ne croirez pas davantage que, si je me renferme dans nos propres frontières, j’admire médiocrement cette organisation intérieure dont il a jeté, voilà tantôt cent ans, ou consolidé, de sa main toute-puissante, l’une après l’autre, toutes les bases ! Mais parmi tant de splendeurs, si je ne puis fermer l’oreille à tant de plaintes ou de malédictions dont les mères, dont les peuples, dont quelques-uns de ses serviteurs ont chargé sa mémoire, ne le comprendrez-vous pas ? J’entends la voix de Châteaubriand et celle de Mme de Staël ! J’entends la voix du plus généreux de nos poètes, – c’est Lamartine, à qui vous ne refuserez pas ce titre ! – je l’entends nous rappeler ce temps « où il n’y avait pas une idée en Europe qui ne fut foulée sous le talon, pas une bouche qui ne fut bâillonnée par la main de plomb d’un seul homme [1] »; j’entends Augustin Thierry professer « toute la conviction de son âme son aversion du régime militaire » [2]; j’entends Auguste Comte « flétrir de toute son énergie l’usage profondément pernicieux que fit de sa toute-puissance l’homme investi par la fortune d’un pouvoir matériel et d’une confiance morale qu’aucun autre législateur moderne n’a réunis au même degré » [3]. Et je veux bien qu’ils exagèrent ! Poètes et

  1. Lamartine, Des Destinées de la poésie.
  2. Augustin Thierry, Dix ans d’ études historiques
  3. Auguste Comte, Cours de philosophie positive.