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durant de longues années il allait vivre pauvre. Il donna des répétitions de grec et de latin. Ses vers ne trouvèrent pas d’éditeur, il pensa à se procurer un peu d’argent avec une traduction de l’Iliade qu’il avait commencée en des temps plus heureux, sans souci de la vie matérielle. Il termina les douze premiers chants et les porta à l’éditeur Marc Ducloux. Celui-ci, ayant égaré le précieux manuscrit, offrit à Leconte de Lisle, pour toute indemnité, de publier gratuitement ses poésies. Les volumes restèrent en magasin, et, quand les leçons de grec manquaient, Leconte de Lisle, pour vivre, venait prendre à la librairie une dizaine d’exemplaires de son livre et allait les vendre quelques sous aux bouquinistes des quais.

Et ce livre, c’était les Poèmes antiques ! C’était Hélène, le Chant alterné, le Réveil d’Hélios, les Études latines, Midi, Dies iræ ! Tout de même, Leconte de Lisle pouvait trouver que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Après les Poèmes antiques, Leconte de Lisle publia les Poèmes et Poésies (1855), puis les Poèmes barbares (1862). Il ne puise plus aux seules sources grecques. Les Védas, la Bible, le cycle runique, le Romancero, la sombre histoire du moyen âge renouvellent son inspiration et diversifient son œuvre. Il fixe aussi dans ces deux recueils sa vision précise et vivante des pays du soleil, du désert embrasé, des animaux sauvages. Souvenirs lointains de l’île Bourbon, impressions rapides mais profondes d’un court voyage aux Indes, les Jungles, les Éléphants, le Désert, le Jaguar, l’Oasis, la Fontaine aux lianes, le Sommeil du Condor, l’Albatros,