le mysticisme son frère ; ils se réveillent ensemble, ces
deux berceurs très doux de nos âmes ; ils ne sont plus tout
à fait tels qu’autrefois, ils sont plus troublés, pris de vertige
et ne sachant guère où se rattacher dans le désarroi
de tout, mais ils vivent toujours et on recommence à plus
nettement les voir, derrière ce nuage de fumée du réalisme,
qui s’est levé sur eux, des bas-fonds effroyables… Il y a
de nouveau beaucoup de gens qui volontiers se reposent
en lisant un livre honnête où les mots ne sont pas grossiers,
un livre où les personnages, enveloppés de je ne sais
quelle poésie transcendante, expriment avec distinction
des pensées très nobles, — un livre d’Octave Feuillet par
exemple…
Le lendemain de mon élection à l’Académie française, dès le réveil, dès le retour du souvenir, l’inquiétude me vint de cet « éloge » qu’il est traditionnel de prononcer — et qui devrait toujours être raisonné, motivé d’une façon solide et savante, éclatant, décisif, irréfutable, puisqu’il semble, hélas ! qu’un plus grand et plus morne silence se fasse, après, sur celui qui s’en est allé.
J’avais, dès cette première heure, conscience de mon incapacité certaine devant cette tâche ; je sentais cela si en dehors de ce que je puis faire ! — Et, pour tout dire, je m’effrayais aussi de connaître si peu l’œuvre d’Octave Feuillet ; je m’effrayais surtout de constater que mon admiration pour lui, examinée de près, avait en somme des raisons à peine sérieuses : quoi, en effet ? l’attrait supérieur, la distinction suprême de sa conversation et de sa personne ; l’allure exquise de cinq ou six petites lettres à moi