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et point de société véritable. » Ce lien spirituel qu’il plaçait dans une sorte de religion inférieure de l’humanité ne saurait être ailleurs que dans la notion supérieure de l’infini parce que ce lien spirituel doit être associé au mystère du monde. La religion de l’humanité est une de ces idées d’une évidence superficielle et suspecte qui ont fait dire à un psychologue d’un esprit éminent : « Il y a longtemps que je pense que celui qui n’aurait que des idées claires serait assurément un sot. Les notions les plus précieuses, ajoute-t-il, que recèle l’intelligence humaine sont tout au fond de la scène et dans un demi-jour, et c’est autour de ces idées confuses, dont la liaison nous échappe, que tournent les idées claires pour s’étendre, et se développer, et s’élever. Si nous étions coupés de cette arrière-scène, les sciences exactes elles-mêmes y perdraient cette grandeur qu’elles tirent de leurs rapports secrets avec d’autres vérités infinies que nous soupçonnons. »

Les Grecs avaient compris la mystérieuse puissance de ce dessous des choses. Ce sont eux qui nous ont légué un des plus beaux mots de notre langue, le mot enthousiasme — Ἐν θεός ; — un dieu intérieur.

La grandeur des actions humaines se mesure à l’inspiration qui les fait naître. Heureux celui qui porte en soi un dieu, un idéal de beauté et qui lui obéit : idéal de l’art, idéal de la science, idéal de la patrie, idéal des vertus de l’Évangile. Ce sont là les sources vives des grandes pensées et des grandes actions. Toutes s’éclairent des reflets de l’infini.