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finales, de ramener toutes les idées et toutes les théories à des faits et de n’attribuer le caractère de certitude qu’aux démonstrations de l’expérience.

Ce système comprend une classification des sciences et une prétendue loi de l’histoire qui se résume dans cette affirmation : que les conceptions de l’esprit humain passent successivement par trois états : l’état théologique, l’état métaphysique, l’état scientifique ou positif.

M. Littré ne tarissait pas en éloges au sujet de cette doctrine et de son auteur. Pour lui, Auguste Comte était un des hommes qui devaient tenir une grande place dans la postérité, et la « philosophie positive une de ces œuvres à peine séculaires qui changent le niveau ». Interrogé sur ce qu’il estimait le plus dans l’emploi de sa laborieuse vie, nul doute que sa pensée ne se fût portée avec complaisance sur son rôle d’apôtre sincère et persévérant du positivisme.

Il n’est pas rare de voir les plus savants hommes perdre parfois le discernement de leur vrai mérite. C’est ce qui me fait un devoir d’un jugement personnel sur la valeur de l’ouvrage d’Auguste Comte. Je confesse que je suis arrivé à une opinion bien différente de celle de M. Littré. Les causes de cette divergence me paraissent résulter de la nature même des travaux qui ont occupé sa vie et de ceux qui sont l’objet unique de la mienne.

Les travaux de M. Littré ont porté sur des recherches d’histoire, de linguistique, d’érudition scientifique et littéraire. La matière de telles études est tout entière dans des faits appartenant au passé, auxquels on ne peut rien ajouter ni retrancher. Il y suffit de la méthode d’observation qui, le plus souvent, ne saurait donner des démonstrations