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la clarté de sa lampe brillait au loin pendant la nuit comme un fanal qui rassurait les malades. On savait qu’au premier appel, M. Littré quitterait son travail pour aller porter ses soins partout où ils seraient réclamés.

Se peut-il que l’homme dont je viens de vous retracer l’étonnante et charitable vie ait été méconnu jusqu’à être calomnié ! Il le fut pourtant. Ses opinions philosophiques en ayant été l’occasion, c’est le moment pour moi de les examiner. Je n’y apporterai d’autre souci que celui de garder ma propre liberté de penser.

Vers l’âge de quarante ans, une crise se produisit dans les croyances de M. Littré. Il venait de lire un ouvrage d’Auguste Comte intitulé : Système de philosophie positive. L’impression qu’il en reçut fut extraordinaire :

« Ce livre, dit-il, me subjugua. Une lutte s’établit dans mon esprit entre mes opinions et les nouvelles. Celles-ci triomphèrent…. Je devins dès lors le disciple de la philosophie positive et je le suis resté… Aujourd’hui, il y a plus de vingt ans que je suis sectateur de cette philosophie ; la confiance qu’elle m’inspire n’a jamais reçu de démenti… Occupé de sujets très divers, histoire, langue, physiologie, médecine, érudition, je m’en suis constamment servi comme d’une sorte d’outil qui me trace les linéaments, l’origine et l’aboutissement de chaque question… Elle suffit à tout, ne me trompe jamais et m’éclaire toujours… »

Le principe fondamental d’Auguste Comte est d’écarter toute recherche métaphysique sur les causes premières et