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petit jardin dans un petit village. Là, quand j’y vins, comment sut-on que je m’étais occupé de médecine ? Je l’ignore. Toujours est-il que les paysans, mes voisins, quand ils tombèrent malades, réclamèrent mon secours. Faisant la médecine gratis, j’aurais eu une clientèle fort étendue ; mais je circonscrivis sévèrement ma sphère d’action, et, prudent, dévoué, visitant plusieurs fois par jour mes malades qui étaient à ma porte, je rendis d’incontestables services. Plus tard, M. le Dr Daremberg, qui vint se fixer dans le même lieu, et qui, comme moi, aima Hippocrate et son antique génie, s’associa à mon office, et plus d’une fois, sur la fin, nous avons exprimé le regret de n’avoir pas songé à rédiger la clinique de notre petit village. Maintenant la vieillesse m’a déchargé de ce service bénévole, mais j’y ai acquis l’amitié et la gratitude de mes voisins, et, pour parler comme le vieillard de La Fontaine : cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui. »

Horace aurait-il écrit son Hoc erat in votis si sa maison de campagne eût ressemblé à celle que M. Littré possédait au Mesnil ? On ne trouve là ni ruisseau d’eau vive, ni bouquet de bois, ni rien de l’aisance qu’Horace avait rêvée. Le plus simple presbytère du plus pauvre des villages peut seul donner une idée de cette maison où tout reflète une vie de solitude, de labeur et de désintéressement. M. Littré avait le culte de l’austérité. Un pieux respect a laissé toute chose à sa place comme s’il devait revenir d’un moment à l’autre et retrouver sur son bureau des livres ouverts, des notes éparses. Voici la petite table où sa femme et sa fille travaillaient auprès de lui, et au-