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des droits réunis, obtint un avancement modeste qui le fixa à Paris. Il fit aussitôt suivre à son fils les cours du lycée Louis-le-Grand, où M. Littré fut promptement le premier de sa classe, quoiqu’il eût des rivaux dont plusieurs sont devenus célèbres.

M. Littré se plaisait à reporter à son père la meilleure part de ses succès. C’était un de ces fonctionnaires comme nos grandes administrations en offrent plus d’un exemple, qui, bien au-dessus de la situation qu’ils occupent, n’ont pu, par la faute des circonstances, « remplir tout leur mérite ». Souvent, par une compensation de la destinée, ces hommes inconnus préparent à leurs fils une vie glorieuse.

A peine libre de son travail de bureau, le père de M. Littré se faisait le répétiteur assidu de son fils. Pour lui venir en aide il avait appris le grec et plus tard même il étudia le sanscrit ; il avait laissé à tous ceux qui l’approchaient un si vivant souvenir que M. Barthélemy Saint-Hilaire, ami de ses enfants, lui dédia la Politique d’Aristote. Les termes de cette dédicace donnent, du père de M. Littré, de son caractère, de son patriotisme, de ses aptitudes philologiques, une idée telle qu’on serait tenté de croire que l’âme du père avait seule façonné celle du fils.

On se tromperait. M. Littré tenait peut-être plus encore de sa mère. Femme sans culture, elle avait une grande énergie morale, un profond sentiment de la justice, une ardeur extraordinaire pour les principes et les idées généreuses nées de la Révolution. C’était une Romaine, dit Sainte-Beuve. Fière de son fils, ambitieuse pour lui, elle l’entretenait avec orgueil dans des sentiments