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DISCOURS DE RÉCEPTION.

la surface, et au fond des cœurs reste toujours, avec l’estime mutuelle, le commun amour de la patrie qu’on a tous également voulu servir. M. Berryer le savait bien ; jamais homme n’a passé par tant d’orages et n’a conservé moins de haine. Nul n’a été plus vif dans le débat, nul après le débat n’a gardé moins longtemps sa colère : « Rappelez-vous, disait-il à un de ses amis politiques et de ses confrères de l’Académie, bien digne d’entendre un tel conseil, rappelez-vous cette première règle de la vie publique : N’avoir jamais une rancune ni un sentiment personnel. » Il avait été fidèle à cette maxime, et ceux qui luttaient contre lui y ont été fidèles. Il a été treize ans au milieu de vous, rapproché des hommes qu’il avait le plus combattus à la tribune ; les uns, qui dans leur glorieuse retraite ne portent plus le fardeau des affaires publiques, mais n’ont renoncé ni aux sollicitudes du patriote, ni aux lumineuses méditations du penseur ; les autres, demeurés dans la lice et dont la vieillesse se montre plus puissante et plus jeune que la jeunesse de leurs rivaux. Tous, en se combattant, n’ont appris qu’à se mieux connaître et à s’honorer davantage. En rapprochant ainsi les hommes qui se sont illustrés dans les rangs les plus opposés de la politique, l’Académie travaille pour sa propre gloire, mais aussi pour le bien de la France. Elle lui donne un grand exemple, elle lui enseigne comment est possible et combien est nécessaire cette union de toutes les intelligences et de tous les nobles cœurs. Ce qui se passe dans cette enceinte ne se verra-t-il pas ailleurs ? Ne voyons-nous pas, dès à présent, dans les sphères les plus hautes de la politique, des hommes sortis des rangs les plus divers, mais unis par la loyauté de leurs sentiments et leur commun amour de la liberté, aider