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tous ses goûts et dans toutes ses habitudes, dans la puissance de ses souvenirs de jeunesse, dans le gracieux arrangement de cette chère retraite, où ces souvenirs mêmes l’avaient guidé, enfin et surtout dans le choix de celle qu’il associa à sa destinée, par une de ses inspirations les plus désintéressées et les plus heureuses, de celle qui honore aujourd’hui sa mémoire autant qu’elle a charmé sa vie.

La même grâce romanesque présidait aux combinaisons et aux mystères de son inépuisable libéralité. Cette richesse en effet, qui lui fut tant reprochée, car il n’a pas suffi à M. Scribe d’ignorer l’envie pour en être épargné, cette richesse si légitime, il semble qu’il s’en fût trouvé embarrassé si sa main toujours remplie par le travail n’eût été toujours ouverte par la charité. Mais ce n’était pas assez pour lui de mettre tout son cœur dans ses bienfaits ; il y mettait tout son esprit. Il se plaisait à jouer lui-même en réalité le rôle de cette providence fictive qui, dans les enchantements de son théâtre, apporte soudain au malheur sa consolation inattendue, au mérite sa récompense inespérée. Quelques-uns des traits les plus touchants de cette ingénieuse charité sont aujourd’hui connus de tout le monde. Le plus grand nombre demeure le secret de ses obligés, secret mal gardé par beaucoup, je le sais. Mais je ne le trahirai pas. C’est encore rendre à M. Scribe un pieux hommage que de respecter les voiles généreux dont il voulut toujours recouvrir sa bienfaisance.

Cependant, malgré toutes les précautions de sa délicatesse, la réputation et la compétence de Scribe en matière de charité étaient si bien établies, qu’au jour où il fut appelé à siéger dans le conseil municipal de la ville de Paris,